Aigues Mortes se situe à la pointe sud du département du Gard, en région Occitanie. Son nom ce dit en Occitan Aigas Mòrtas. Celà signifie « Eaux mortes » ou plutôt « eaux stagnantes » pour la Camargue. Ses arènes destinées aux courses camarguaises, ses salins et ses remparts, font la renommée de la ville.
Aigues Mortes * La ville est ses Remparts
C’est en 1240 que Saint Louis (Louis IX) lance son projet. Celui ci vise à donner à son royaume une ville portuaire. L’objectif étant de s’affranchir, pour ses futures croisades, du bon vouloir des princes étrangers. Dès le début de son règne il souhaite se doter d’un débouché sur la Méditerranée. Il fait donc construire le port d’Aigues Mortes.
Il faut à cette ville un excellent système défensif et des attributs royaux. C’est pourquoi, la Tour de Constance et un Château sont érigés en quelques années.
La Tour de Constance
La Tour de Constance est le premier bâtiment construit par St Louis à Aigues-Mortes. Elle doit son nom à Constance, Grande Tante de Saint Louis. Au départ, on construit la tour pour servir la défense de la ville. Elle servait également de phare et de résidence du Roi. Par la suite, l’accès à la mer s’étant ensablé, le port est devenu inaccessible. La tour perd son prestige et devient prison royale.
Pendant plus de 80 ans, de nombreux prisonniers, victimes d’une intolérance ou d’un différent religieux, s’y succèdent. On les nommait « prisonniers pour la foi ». Certains prisonniers y font une simple étape sur le chemin de la déportation aux Antilles ou de la condamnation aux galères. D’autres y moururent (victimes de privations ou de sévices). Enfin, certains s’en échappèrent (A.Mazel et ses compagnons….).
Attirés par les privilèges que le roi accorde pour la fondation de sa cité d’Aigues Mortes, la population arrive. En 1266, Saint Louis décide de parfaire sa cité en lançant la construction de remparts tout autour de la ville. C’est sous le règne de son petit-fils, Philippe le Bel, une trentaine d’année plus tard, qu’on achève les travaux.
La Tour Carbonnière est construite vers la fin du 13ème siècle, en même temps que les remparts. Les pierres employées, taillées en bossage, proviennent de la même carrière.
La Tour Carbonnière
Elle s’élève majestueuse et solitaire au milieu des marais. Construite au bout d’une longue chaussée, elle repose sur une série de ponts. De forme carrée, enjambant la route, elle est une défense d’avant-garde et un ancien poste de péage. Ce droit devait fournir de gros revenus. Quand on pense que la tour était le seul passage pour se rendre à Aigues-Mortes par voie de terre.. Impossible aux voyageurs de l’éviter. La route passant, à lépoque, au milieu du monument par une grande porte ouverte à tous les vents.
Étaient exempts de péage, les habitants de la cité et leur famille, les officiers du roi, les personnes nobles, les ecclésiastiques et les médecins. En 1409, à la demande des consuls, le roi établit un droit de péage, sans aucune exception. On en affecte le revenu à l’entretien de la route et des chaussées. Comme quoi l’origine des péages sur les routes remonte à loin 🙂
Il y a encore quarante ans, la route départementale passait encore au milieu de la tour. Le passage devint trop étroit pour les charrettes et les voitures. Il fut alors question de la démolir (vers 1870). L’option retenue n’est pas celle là, heureusement.On supprime l’ancien passage et, actuellement, la route contourne la Tour par deux bras, à droite et à gauche.
La Tour Carbonnière offre un magnifique panorama sur la Camargue. Alors n’hésitez pas, à pied, à vélo ou en voiture à y faire un tour.
L’histoire continue..
Le château, détruit lors d’un épisode de la guerre de Cent Ans, n’est plus visible de nos jour.
Vous souhaitez faire le tour des remparts ? C’est possible. Mais attention, c’est une ronde plutôt épuisante, surtout en été. Les remparts font plus de 1643 mètres de long. On y trouve 5 grandes portes, 3 tours d’angles et de 2 Tours de flanquement (défendant les murs de part et d’autres). Alors à vos baskets et n’oubliez pas d’emporter un peu d’eau 🙂
C’est du port d’Aigues Mortes, que Saint Louis part pour les croisades en 1248 et 1270. Mais Aigues Mortes est aussi un port de commerce. Il obtient même le monopole de toutes les entrées et sorties de marchandises du royaume en 1278. Malgré un ensablement inéluctable, le port conservera ce monopole jusqu’au rattachement de la Provence au Royaume de France, en 1481.
Aigues Mortes garde longtemps une bonne image auprès de la royauté. En Juillet 1538, François 1er choisit la ville de son saint prédécesseur (Saint Louis) pour accueillir avec faste, l’empereur Charles Quint. Il espère ainsi se réconcilier avec lui et obtenir le duché de Milan qu’il convoite depuis longtemps. Mais après trois jours, il n’obtient rien et au contraire. De retour à Paris, comme convenu avec l’empereur, il ordonne d’allumer, à Lyon, les premiers bûchers sur lesquels on envoie les Protestants Français.
Ces premières exécutions n’empêcheront pas le développement du Protestantisme dans le Midi. La région d’Aigues Mortes sera le théâtre de nombreux heurts entre catholiques et Huguenots.
Protestants contre Catholiques
En 1574, Aigues Mortes passe sous domination protestante. En 1576, à la fin de la 5e guerre de religion, l’Édit de Beaulieu reprend l’idée des places de sûreté. Il octroie aux protestants huit villes fortes, sans précision de durée : Issoire, Périgueux, Serres, Nyons, Seyne, Beaucaire, Mas-Grenier (autrefois appelé Mas de Verdun) et Aigues Mortes.
C’est quoi une Place de Sûreté ? C’est une concession faite par le roi pour assurer la coexistence confessionnelle. On autorise les protestants à conserver, en temps de paix, quelques places fortes militaires pouvant servir de lieux de refuge.
Aigues Mortes conservera sa garnison huguenote de quelques 2000 hommes, jusqu’en 1622. A cette date, la ville est assiégée brièvement par Louis XIII et Richelieu. Une simple démonstration de force et le gouverneur protestant de la ville, Gaspard III de Coligny, duc de Châtillon, rend la ville à son roi contre un bâton de maréchal de France. Aigues Mortes va devenir ainsi la championne de la Contre Réforme.
Les vexations se multiplient contre les hugenots. Louis XIV leur porte le coup fatal, en 1685, en révocant l’Edit de Nantes. Privés de leurs droits, les protestants Français doivent abjurer leur foi ou quitter le pays. S’ils ne se plient pas à la volonté du roi, ils sont pourchassés et incarcérés.
Dès 1686, Aigues-Mortes devient l’une de ces places d’enfermement des protestants. On transforme les tours des portes d’entrées en prisons. On réaménage la tour de Constance, mais également les tours du Sel, de la Mèche et de Villeneuve et les portes Saint-Antoine pour accueillir les hommes et les femmes qui affluent de toute la région. Parfois, ils ne font que transiter, avant d’être embarqués sur les navires du roi comme galériens, ou mariés de force et déportés vers les colonies.
Prison pour femmes
À partir de 1707, on réserve la tour de Constance aux femmes condamnées à la prison perpétuelle pour faits de religion. C’est le lieu symbole de la résistance protestante avec pour héroïne Marie Durand, emprisonnée en 1730 à l’âge de 19 ans, jusqu’en 1768. Le mot « résister » gravé dans la pierre lui est attribué sans réelle certitude.
Au 19ème siècle, le passé commercial de la ville n’est plus qu’un lointain souvenir. l’ensablement rabaisse le port au rang de simple port de cabotage. Et pourtant.. deux productions vont s’épanouir au cours du siècle :
La vigne : Elle est épargnée de la crise de phylloxera qui ravage le reste du vignoble Français. Le « Vin des Sables » est alors en grande expansion.
Le sel : Les marais salants qui n’occupaient, au Moyen Age qu’une faible partie des étangs, occupait à cette époque la plus grande partie de la rade qui s’étend au pied de la ville. En 1856, la Compagnie des Salins du Midi regroupe les salines jusque-là éparses et en diverses mains et développe la production du sel.
En 1893, les administrateurs ont pris l’habitude de recruter du personnel étranger pour réaliser les pénibles opérations de levage du sel qui débutent à la mi-août. Les ouvriers italiens moins rémunérés et plus durs à la tâche sont de plus en plus stigmatisés par la population locale qui voit en eux des rivaux: s’ensuit une rixe meurtrière qui coûte la vie à huit ouvriers italiens, les autres ayant réussi à se protéger dans la tour de Constance. L’incident fit grand bruit et rompit momentanément les relations diplomatiques entre la France et l’Italie.
Un peu d’Histoire * Les croisades de Saint Louis
À la suite d’un vœu, Saint Louis décide de reprendre aux Infidèles le tombeau du Christ. Il embarque à Aigues Mortes le 25 août 1248. Il part pour l’Égypte dans l’intention de vaincre d’abord les musulmans du Caire puis de gagner la Palestine. La flotte arrive en vue de Damiette. Sitôt débarqués, les Français entrent dans la ville. La marche sur Le Caire est rapidement décidée. L’armée réussit à passer sur la rive est du Nil, à Mansourah. Mais l’opposant revient en force et les croisés sont obligés de revenir à leur camp, où la famine et la dysenterie fait des ravages.
Harcelés par les Arabes, ils entament un combat au cours duquel ils sont décimés. Le roi, épuisé par la maladie, est capturé et doit signer un traité. En échange de Damiette, il est libéré mais doit payer une grosse rançon pour ses compagnons d’infortune. Cependant, ses vertus frappent les musulmans, qui le surnomment « le sultan juste ». Une fois libre, Saint Louis gagne en simple pèlerin la Palestine où il y resta jusqu’en avril 1254.
Les années passent et, malgré une santé précaire, le souverain prépara une nouvelle croisade. Son objectif était cette fois ci la Tunisie, dont il souhaite faire une base d’opérations pour une campagne ultérieure. Il repart d’Aigues Mortes le 1er juillet 1270. Les croisés arrivent le 17 à Tunis. Mais, très vite, la peste fait son apparition. Le roi lui-même est atteint. Il accepta pieusement la mort et expira le 25 août. Son fils, Philippe III le Hardi, qui l’avait accompagné, signe une trêve de dix ans avec les musulmans et rembarque l’armée. L’ère des croisades est close et les derniers établissements français en Palestine sont destinés à disparaître.
Aigues Mortes * Flâner dans les rues
Se promenez dans Aigues Mortes c’est marcher dans les pas des chevaliers et des templiers en plongeant au cœur de l’extraordinaire projet de Saint Louis pour la ville et la région. Construire un port sur la méditerranée et protéger la population au cœur d’une cité fortifiée.
Aigues Mortes est aujourd’hui une ville touristique bien agréable. Fière de son histoire et de ses terres sauvages, il fait bon y flâner. L’occasion de découvrir son passé, sa culture taurine, sa gastronomie, son vin, et sa situation privilégiée en Camargue. Alors n’hésitez pas à y faire un tour, voir une petite pause gastronomique.
À vélo, à pieds ou en voiture, il est aisé de rejoindre le chenal maritime entre Le Grau du Roi et Aigues Mortes. Il servait de chemin de halage, utilisé autrefois lorsque les embarcations étaient tirées (halées) par des chevaux, des hommes, puis par le service d’entretien du canal.
Laisser un commentaire